TÉMOIGNAGE DE MATHIEU TAÏEB – Le baptême, un rite de passage spirituel profond, marque souvent le début d’un nouveau chapitre dans la vie d’une personne, voire accéder à une nouvelle vie, une véritable renaissance.
Pour ma part, ce sacrement n’était pas seulement un symbole de réelle purification ou de nouvelle naissance en Christ, mais aussi le commencement ou poursuite d’un périple semé d’embûches et de profonde introspection. N’oublions pas le fait d’embrasser le Christ (cela fut et est encore le cas aujourd’hui), le faire « soi » et se l’approprier concrètement apporte une vision réellement différente du monde, engendre un rapport exclusif sur la vie, une conception inédite de ce qu’est l’autre, un regard nouveau sur l’amour, la joie, le bonheur, les choses les plus essentielles de l’existence humaine. Tout prend et fait sens et transforme en profondeur le néophyte.
Il faut noter également les défis rencontrés après mon baptême entre évolution dans les eaux souvent tumultueuses des relations familiales et sociales parfois et phases de combats spirituels internes répétées que j’ai dû et continue à expérimenter.
Après mon baptême, l’une des premières épreuves que j’ai rencontrées fut la réaction de ma famille. Venant d’un milieu où les valeurs et traditions islamiques étaient vécues au quotidien au sein du foyer familial élargi, ma décision n’a pas été accueillie avec grand enthousiasme, en particulier auprès de mes parents pour qui la transmission de la foi musulmane et des préceptes traditionnels prévalait, mais avec surprise et incompréhension essentiellement. Ma famille, bien que généralement aimante et supportante, ne pouvait pas réellement comprendre mon choix et ce que cela signifiait avec exactitude pour moi, étant donné le fait qu’ils n’avaient pas les « codes de déchiffrement » ou éléments précis de compréhension. La chose était sue, étouffée, non dite, pour ne pas dire non évoquée, presque un tabou lors des repas et rassemblements familiaux ; Dieu sait que j’aurais tant voulu être questionné sur Celui qui m’anime et qui a fait de moi Son captif pour la vie. Je ne cache pas que chaque question, chaque doute, chaque parole blessante teintée de haine anticléricale exprimés par mes proches, bien que généralement bien intentionnés, étaient ressentis comme un petit coup porté à ma nouvelle identité.
Mon cercle social et amical s’est également transformé peu à peu au fil des années. Je pense m’être bien certainement et de manière involontaire éloigné de quelques amis de longue date (ne vivant pas sur le même lieu que moi ou autour de moi), avec qui je partageais auparavant des activités de loisirs ou des sorties, certains ont été, et je le mesure complètement, troublés ou désintéressés par la transformation que je vivais, par mes cruciaux engagements et choix de vie. J’avoue aussi que trouver un équilibre entre rester fidèle à mes convictions tout en préservant des relations significatives était devenu un exercice assez délicat au fil des mois et des années. Parfois, cela signifiait prendre des distances, ou dans d’autres cas, trouver de nouvelles amitiés en particulier avec ceux qui partageaient les mêmes valeurs que moi ou du moins les respectaient.
Au-delà des défis interpersonnels, le combat spirituel interne est peut-être le plus ardu. Le baptême et le sacrement de la confirmation m’avaient certes totalement revitalisé, mais aussi exposé à de nouvelles luttes internes. La tentation, le doute et la solitude étaient des combats constants. Chaque jour, j’apprenais à renouveler ma foi, à me plonger dans la prière et la méditation, cherchant du soutien dans les écritures et la communauté ecclésiale. Ce combat, souvent invisible pour les personnes autour de moi, était un périple personnel vers une compréhension plus profonde de ma foi et de mon rôle dans un monde qui souvent, hélas, ne partage pas mes convictions.
Un autre point que je souhaite soulever, c’est, et ne nous y trompons pas, qu’un certain nombre de jeunes néophytes venant de l’islam retournent dans leur foi initiale car, pour l’essentiel des informations recueillies, ils n’ont pas, pour la plupart d’entre eux, su trouver leur place dans leur nouvel environnement, pas assez réellement et concrètement été accueillis au sein de paroisses où le « service après-vente » n’a pas été suffisamment conduit dans la durée ; là aussi, il en va de notre responsabilité de chrétiens d’accueillir ces nouveaux convertis en famille et qu’ils rayonnent de la Foi du Christ récemment adoptée. Ils font partie de l’Église et on se doit de ne pas les laisser errer, sans tuteur, sans frère autour d’eux ; nous leur devons écoute, accompagnement et fraternité, non pas de vains mots, mais des choses bien concrètes, dans le respect de la personne et de sa dignité.
Pour aller à l’essentiel, l’après-baptême n’est pas un chemin facile. C’est une réelle transformation, une expérience de résilience et de profonde foi. En regardant en arrière, chaque défi qui se présente à moi renforce ma détermination et enrichit davantage ma compréhension de la foi. C’est non seulement un chemin victoire totale ou de perfection, mais également un chemin de croissance continue et de persévérance malgré les obstacles. Dans ce chemin, je trouve la beauté de la foi : non pas une promesse d’une vie sans douleur, mais la force de surmonter chaque épreuve, armé de courage et d’espoir renouvelé.
Mon cheminement et mes engagements peuvent être lus dans mon livre autobiographique Devenir votre frère (Éditions Mame).
Merci à vous et que Dieu vous garde précieusement.
+Mathieu Taïeb