«La vérité vous rendra libres»
La sortie du film Vaincre ou mourir suscite de la part de la presse mainstream une intéressante réaction. À l’accusation d’être mauvais – ce qu’à titre personnel, je n’ai pas trouvé – s’ajoutent surtout celles de « réécriture hallucinée de l’Histoire », et « d’esprit anti-républicain ». On n’hésite pas à faire flèche de tout bois, en mentionnant le « soutien de Bolloré », ou encore une « entreprise d’évangélisation décomplexée » (du fait de sa distribution par Saje)…
A-t’on besoin d’une « histoire officielle » ?
Réécrire l’Histoire ? C’est insensé : les faits parlent d’eux-mêmes, il suffit de visiter le mémorial des Lucs-sur-Boulogne, en Vendée, pour s’en convaincre. Les noms des 564 victimes du massacre perpétré le 28 février 1794, attestent qu’il a bien eu lieu, et je vois mal pourquoi on devrait moins en faire mémoire que de celui d’Oradour-sur-Glane, comparable tant par les moyens que par le bilan. Tous les faits survenus en Vendée au cours de la révolution sont connus. On peut discuter du terme « génocide », puisque les vendéens ne sont pas une « race », ni même un peuple, mais les habitants d’un département. Mais qu’est-ce ça change à ce qui s’est passé ?
Si l’on dit « réécrire », on dit que quelqu’un a déjà écrit, autre chose. Mais ce « quelqu’un » était-il (plus) objectif ? Et ce qu’il a écrit est-il (plus) vrai ? Libération se gausse des historiens interrogés au début du film : « Vaincre ou Mourir s’ouvre très étonnamment sur le visage d’un vieux monsieur tout à fait de notre époque [1], s’affichant face caméra (il est « historien »)». C’est toute la question de l’autorité : certains ont, parce qu’ils sont reconnus par les « autorités », une « autorité » pour être des « auteurs autorisés », tout cela relève de la même racine latine, qui a trait à la relation aux dieux. Reynald Sécher, auteur d’une thèse de 3e cycle, puis d’une thèse d’État sur la Vendée, est particulièrement compétent pour en parler, mais il n’a pas « autorité », n’ayant jamais – du fait même de ses recherches – obtenu de poste dans le système républicain « autorisé ». Il n’a donc pas voix au chapitre.
En revanche, les quatre « historiens » – ou revendiqués comme tels par les mêmes journaux qui assassinent Vaincre ou mourir – auteurs de Le Puy-du-Faux, livre à charge contre le Puy-du-Fou, n’ont sans doute pas autant de titres que Reynald Sécher pour parler de la guerre de Vendée. Mais leurs ancrage politique à gauche leur vaut d’être acceptés dans le système, donnant un caractère officiel, et donc prétendument scientifique, à leurs opinions militantes.
En langage cru, ça s’appelle des historiens officiels, et il en faut sans doute, pour maintenir une certaine cohésion sociale. Cela dit n’est pas Michelet qui veut. Ou Mallet et Isaac.
Discours anti-républicain ? Et pourquoi donc ? La République est-elle si peu sûre d’elle-même et de son bon droit qu’il lui faille sombrer dans le négationnisme ? Elle qui fait mémoire de tout, de la Shoah, de l’esclavage, de la colonisation,…, ne peut-elle regarder son passé en face ? À moins que ce passé ne soit le ventre encore fécond dont serait sortie la bête immonde… Non, cela ne se peut pas, car on sait bien, depuis le stalinien Berthold Brecht, que la bête immonde c’est le nazisme, c’est-à-dire le fascisme, c’est-à-dire l’extrême-droite, c’est-à-dire encore tout ce qui déplaît à la gauche. Donc ça ne peut pas être elle, la gauche, la « bête immonde ».
Aimer l’autre, particulièrement nos « jeunes », c’est leur dire la vérité
Quel rapport, se diront certains lecteurs, avec Mission Ismérie ? Eh bien si, il y en a un, que j’ai évoqué dans le prologue de mon livre Non, la France ce n’est pas seulement la république. Il existe à Lyon un mémorial des martyrs du siège de 1793. Les noms de 2.000 civils massacrés, après la prise de la ville par les « bleus », y sont affichés dans une chapelle, au-dessus d’une crypte où sont exposés leurs ossements, déterrés des fosses communes après la Terreur. Ce monument, érigé aux frais des familles des victimes, a été par deux fois détruit et reconstruit. Il n’est pas entretenu par la Mairie, qui s’y était pourtant engagée en échange de la mise à disposition du public du joli jardin qui l’entoure. Il ne figure sur aucun dépliant touristique, aucune commémoration ne s’y déroule, les élèves d’aucune classe ne viennent jamais le visiter.
J’y avais un jour emmené un groupe de jeunes venus de Seine-Saint-Denis, le « 9-3 », accompagnés de parents, dans le cadre de l’association La France quelle histoire, fondée par mon ami Jean de Launoy, qui s’est donné pour objet de faire aimer la France à des « jeunes » de ce département (cf. vidéo ci-dessous). Ce jour, c’était précisément celui où l’on a appris la mort, par décapitation, de Samuel Paty.
Immense émotion.
D’abord à la nouvelle de cet assassinat atroce, commis par l’un de leurs coreligionnaires, au nom de leur religion. Abasourdis, anéantis, ils ne savaient pas comment me montrer à quel point ils le condamnaient.
Ensuite par le spectacle de ces centaines de crânes dont les orbites béantes les dévisageaient, écho muet à la décapitation de Samuel Paty.
Enfin par le silence, empreint de bonne conscience, des autorités républicaines, toujours si promptes à dénoncer chez les autres… le quart de ce qu’elles ont fait elles-mêmes dans ces temps primordiaux. Quel titre a-t-on, quand on a décapité des dizaines de milliers de citoyens, à s’indigner contre ce genre de meurtre barbare ?
J’avais senti ce jour-là chez ces adolescents, et leurs parents, que « quelque chose » passait, ou se passait. Comme une soif d’amour et de vérité. Un amour profond et sincère pour ces Lyonnais, ces Français, martyrisés : il faut, c’est mon expérience d’enseignant pendant dix ans en « banlieue », toucher les cœurs avant les esprits. Il faut aussi la vérité, celle des faits, ensevelis sous le discours, l’idéologie, les dogmes. Celle-ci, c’est encore mon expérience, quand elle est dite dans le respect de ceux à qui elle s’adresse, est toujours bien accueillie, avec reconnaissance, d’abord parce qu’elle libère l’esprit de celui qui la reçoit et la comprend, ensuite parce que ce dernier est heureux qu’on l’ait jugé digne de la recevoir.
C’est un mensonge de prétendre que la république est le régime que les Français ont voulu, lors de la Révolution française : il a fallu la dernière violence pour la leur imposer. C’est encore un mensonge d’affirmer que, laïque, elle serait religieusement neutre : elle est pétrie de christianisme, de morale chrétienne, de cléricalisme catholique. Dans mon collège de ZEP, j’ai souvent obtenu des succès d’estime – applaudissements, standing ovation, danses – sur les sujets les plus « glissants » (esclavage, croisades, colonisation…) simplement parce que, ayant au préalable créé une relation de philia avec mes élèves, j’avais eu l’audace de leur parler en vérité.
Les « jeunes de la diversité » qui représenteront sans doute – au vu des statistiques démographiques, comme de qui pousse des poussettes dans nos rues – une très large part de la population française dans quelques années, ont soif d’aimer la France. J’ai, dans un précédent article (Rencontrer le Christ, aimer la France), montré que les convertis passaient très souvent de la rencontre avec le Christ à l’amour de la France, fille aînée de l’Église. Gageons qu’ils pourraient tout aussi bien passer de l’amour de la France à la rencontre avec le Christ. Il faudrait pour cela que la République cesse, par idéologie, de les en empêcher, toute à sa mission de provocation (en tentant de leur inculquer la théorie du genre, notamment), mais aussi de repentance sur le dos de la France, tandis qu’elle nie ses propres crimes.
Jean-François Chemain
Jean-François Chemain est diplômé de Sciences Po Paris, agrégé et docteur en Histoire. Il a enseigné durant 10 années en ZEP, dans la région lyonnaise. Il est auteur de nombreux ouvrages sur la France, la laïcité et l’islam.
[1] Reynald Secher
Présentation de l’association La France, quelle histoire !