La conversion au christianisme des musulmans de France
Adapté d’après l’article original d’Odon Lafontaine publié dans Liberté Politique, n°83, décembre 2019.

(église Saint-Thomas-à-Formis)
Mosaïque emblème de l’Ordre Trinitaire, fondé par Saint-Jean de Matha pour le rachat des captifs
On ne cesse de parler d’islam dans l’actualité, hélas pas toujours en bien. Entre « islamisme », faits divers, « séparatisme », terrorisme, etc., les médias n’ont pas leur pareil pour jouer sur les peurs et inquiétudes, qu’elles soient justifiées ou non. Ils semblent présenter comme inéluctable la montée aux extrêmes, la guerre civile, le « choc des civilisations ». Ils ne prêtent jamais l’oreille, ou presque, à un phénomène pourtant général de « crise de l’islam » touchant les pays musulmans, et qui commence également à toucher les musulmans des pays occidentaux. Ce phénomène pourrait pourtant changer complètement la donne, y compris la donne française.
Nous ne détaillerons pas ici les racines, les raisons de cette crise (on se reportera pour cela à l’article original d’Odon Lafontaine). Nous tenons davantage à présenter le moment particulier, le « kaïros » que nous sommes en train de vivre, et le changement profond en train de se produire dans les pays musulmans. Nous y voyons d’une part des musulmans en train de quitter l’islam en masse, certains pour devenir chrétiens, et d’autre part des musulmans devenir de plus en plus radicaux.
C’est un phénomène de polarisation, et même, osons le mot, de jugement au sens biblique : les musulmans en viennent peu à peu à sortir de l’indétermination, à se prononcer absolument contre l’islam, ou bien absolument pour l’islam, ce qui mène ainsi à une « radicalisation » de plus en plus dure. Quant à ceux qui quittent l’islam, c’est majoritairement pour l’athéisme ou l’agnosticisme, mais aussi, pour une part significative, pour devenir chrétiens. Partout dans le monde, il se fait ainsi sentir un « souffle dans la maison de l’islam ». C’est le titre même d’un livre dédié au phénomène décrivant par le menu cet immense mouvement de conversion au christianisme au sein des communautés musulmanes du monde entier, dans toutes les différences de leurs pratiques de l’islam.
C’est un phénomène inédit dans l’histoire : depuis que l’islam existe, jamais on n’avait vu autant de musulmans devenir chrétiens.
Un phénomène mondial de rejet de l’islam et de conversion au christianisme
L’ampleur de la chose est difficile à évaluer avec précision : la charia, la loi musulmane religieuse, requiert en théorie la peine de mort pour ceux qui quittent l’islam, ce qu’appliquent encore certains pays. Dans l’ensemble, apostats et convertis risquent tous des persécutions plus ou moins sévères – a minima la mort sociale et la rupture avec le milieu d’origine. Un ex-musulman en pays musulman se voit par exemple automatiquement divorcé de son épouse musulmane et perd ses droits sur ses enfants, supposés être musulmans en vertu de la charia. Nombreux sont ceux qui doivent endurer la torture. L’apostat, et plus encore le converti chrétien, sont sources de déshonneur pour la famille et il n’est pas rare qu’ils soient tués par leurs proches. Voilà pourquoi on voit si peu d’ex-musulmans se déclarer publiquement (y compris en France). En outre, la conversion au christianisme du point de vue musulman est bien pire que l’athéisme : elle s’apparente à la trahison absolue et, par conséquent, elle doit être réprimée et dans la mesure du possible être tenue secrète. Familles comme autorités musulmanes préfèrent ainsi rester discrètes, craignant des effets d’entraînement ou de contagion. Les informations sur ce phénomène de conversion et d’apostasie de l’islam en pays musulman sont donc rares. Toutefois, il reste possible de s’en faire une idée en relevant divers signaux faibles, qui le deviennent d’ailleurs de moins en moins :
- Les témoignages des apostats et des convertis eux-mêmes, ou ceux des Églises qui les accueillent, témoignages discrets le plus souvent ;
- Les reportages de journalistes ou observateurs étrangers aux pays musulmans, moins sensibles aux pressions qui s’y exercent – cas par exemple des études Arab Barometer qui relèvent la montée très sensible de la défiance vis-à-vis de l’islam et de la « perte de la foi dans les partis et leaders religieux ». La dernière étude, relayée en France par Les Echos (article « L’islam en perte de vitesse dans le monde arabe » du 6 déc. 2019) montre en filigrane une déliquescence de l’islam particulièrement prononcée dans certains pays (Tunisie, Algérie) ;
- Le succès inouï des émissions télévisées chrétiennes qui traitent de ce sujet à destination du public arabophone (comme celles du prêtre copte Zakaria Boutros ou de Frère Rachid) ;
- Le succès et la multiplication des critiques de l’islam sur internet, des chaînes YouTube, des vidéos réalisées par des ex-musulmans (cas emblématique de « Box of Islam », d’Hamed Abdel-Samad, réfugié en Allemagne, ou bien du blogueur égyptien Sherif Gaber, persécuté par le pouvoir) ;
- La réaction des autorités dans les pays islamiques, essentiellement répressive et diffamatoire, qui est souvent proportionnelle à l’ampleur locale de la dynamique des conversions ou de la progression de l’athéisme. L’Algérie a ainsi subitement décidé de fermer une cinquantaine d’églises évangéliques (dont la principale rassemblait 1500 personnes !) tandis que L’Egypte réfléchit à criminaliser l’athéisme. Évoquons aussi les révoltes en cours en Iran, où l’islam ne tient plus qu’à un fil, celui de la Révolution islamique frontalement contestée par la jeunesse et une part croissante de la société civile. On compterait ainsi 800 000 chrétiens convertis en Iran (hors chrétiens « historiques », comme les Chaldéens). A l’inverse, on peut observer aussi que ces autorités se voient contraintes de « lâcher du lest », au moins en apparence (cas du fameux discours du président égyptien al-Sissi devant les dignitaires de l’Université de l’Azhar, où il dénonçait la violence, le sectarisme et le suprématisme de l’islam, et enjoignait son savant auditoire à la réforme de l’islam) ;
- Les lamentations de certains religieux et savants musulmans dans les pays d’islam, déplorant les apostasies et la perte du sentiment religieux musulman.
La France en retard ?
Ce phénomène de « jugement » de l’islam se révèle ainsi absolument massif, et à l’œuvre dans tous les pays musulmans. Il est en train de franchir discrètement la Mer Méditerranée. Mais en Occident, l’islam trouve un autre environnement que celui des pays musulmans et de la crise existentielle qui y fait rage. Il y est sans doute plus favorable du fait de la liberté religieuse ou bien du soutien porté à l’islam par certains mouvements et courants politiques, religieux et intellectuels.
Il lui est aussi plus favorable pour des raisons proprement islamiques : l’Occident est en effet considéré par les musulmans les plus militants comme une sorte de ligne de front. C’est ici que le projet d’islamisation du monde peut encore se déployer, c’est ici que les militants peuvent encore trouver une certaine pertinence à son sens de l’Histoire, que leurs espérances messianistes peuvent encore se déployer. C’est d’ailleurs ce qu’exprime traditionnellement la division du monde en islam entre dar al-islam (« domaine de l’islam ») et dar al-harb (« domaine de la guerre »).
De plus, ici en Occident se trouvent à foison des figures du mal grâce auxquelles les musulmans militants peuvent se définir en réaction comme les figures du bien et donc comme de « bons musulmans » gagnant ainsi leur paradis : athéisme militant, matérialisme, porno, financiarisation, marchandisation, LGBTQIA+, dévirilisation, vagabondage sexuel, etc., sont autant de moteurs de la « sur-islamisation » de certains musulmans. La conception de leur rôle de gardiens d’un ordre légal divin sur terre qu’ils trouvent dans le Coran s’en trouve légitimée (Sourate 3, v.110 : « Vous êtes la meilleure communauté qu’on ait fait surgir pour les hommes vous ordonnez le convenable, interdisez le blâmable et croyez à Dieu » ; sourate 24, v.55 : « Dieu a promis à ceux d’entre vous qui ont cru et fait les bonnes œuvres qu’Il leur donnera le califat [vicariat] sur terre (…). Il donnera force et suprématie à leur religion qu’il a agréée pour eux. » ). C’est exactement l’expérience de Sayyid Qutb († 1966), un des idéologues majeurs des Frères Musulmans. Il décrivait ainsi l’Amérique des années 1930 dans laquelle il avait vécu :
« Je suivais une ligne agressive contre cette « ignorance antéislamique » moderne et occidentale, avec des croyances religieuses bafouillantes et des situations sociales, économiques, morales désastreuses. Toutes les représentations des « hypostases » de la Trinité, du péché originel, de la Rédemption, n’ont fait que du mal à la raison et à la conscience ! Et ce capitalisme d’accumulation, de monopoles, d’intérêts usuriers, tout d’avidité ! Et cet individualisme égoïste qui empêche toute solidarité spontanée autre que celle à laquelle obligent les lois ! Cette vue matérialiste, minable, desséchée de la vie ! Cette liberté bestiale qu’on nommait « la mixité » ! Ce marché d’esclaves nommé « émancipation de la femme », ces ruses et anxiétés d’un système de mariages et de divorces si contraire à la vie naturelle ! Cette discrimination raciale si forte et si féroce ! En comparaison, quelle raison, quelle hauteur de vue, quelle humanité, en Islam ! »
Sayyid Qutb, Jalons sur le chemin, Le Caire, 1964, nouvelle édition Union Islamique Mondiale, 1980
Imaginons donc alors aujourd’hui, dans l’Occident des années 2000, ce qu’un tel idéologue pourrait écrire. Ou plutôt n’y a-t-il guère besoin de l’imaginer : ses successeurs Frères Musulmans ont développé et diffusé le discours, l’ont adapté à l’évolution de notre société décadente, et n’ont de cesse alors que d’opposer les musulmans à la société occidentale, au besoin par le mensonge et la tromperie afin de surjouer la victimisation et d’engager de plus en plus les musulmans dans la communautarisation et le grand projet d’islamisation du monde, à commencer par cet Occident honni. Leur pensée s’est diffusée partout. Ainsi l’ancien porte-parole du Comité Contre l’Islamophobie en France haranguait-il ses coreligionnaires dans une mosquée :
« C’est l’histoire d’un pays qui chaque jour bascule un peu plus dans l’islamophobie. Ce pays, c’est pas l’Allemagne des années 30. C’est la France des années 2010. Cette façon de nommer un culte, cette façon de nommer des croyants, cette façon de les stigmatiser et de dire qu’ils posent problème et qu’ils mettent en péril l’identité du pays, c’est exactement la manière dont on stigmatisait les Juifs au début du siècle dernier. C’est pas dans l’Allemagne des années 30 qu’on mitraille des mosquées. C’est pas dans l’Allemagne des années 30 qu’on dit à des enfants tu n’iras pas au centre de loisirs parce que tu ne veux pas manger du pâté et du jambon à l’école. Ça n’est pas dans l’Allemagne des années 30 qu’on viole des femmes le jour de l’Aïd. Qu’est-ce que nous, musulmans, on fait pour changer ça ? Et est-ce qu’on est responsable de changer ça ? La réponse est dans la question. »
Discours de Marwan Muhammad prononcé à la mosquée de Vigneux le 30 avril 2011, invité en tant que porte-parole du CCIF.
Il y a donc un contexte militant, une lecture islamique de l’environnement occidental qui les différencient de ceux des pays musulmans, et qui peuvent expliquer pourquoi le phénomène mondial de crise de l’islam semble se faire moins sentir en Europe.
Mais il ne faut pas s’y tromper : le phénomène arrive. Il y a déjà de très nombreux ex-musulmans en Occident, et particulièrement en France. Certains deviennent célèbres, et leur parole commence d’être portée sur la scène publique : Majid Oukacha, par exemple, et les 13 millions de vue ou au compteur de sa chaine YouTube, Zineb el Rhazoui, la « rescapée de Charlie Hebdo » au verbe haut et sans concessions… Il faut voir les réactions que suscitent leurs interventions publiques chez les musulmans.
Il faut voir aussi le questionnement fort légitime que suscitent leurs positions anti-islam : qu’est-ce que ces apostats notoires ont-ils à proposer aux musulmans ? Quel modèle de société, sinon celui-là même que dénonce l’islam militant, en partie à raison ? Quelles espérances proposent-ils aux musulmans, quel sens de l’histoire, quel sens de la vie, à même de satisfaire les attentes que l’islam a mis dans le cœur de ses croyants ? Notre société est elle-même en perte de sens, au point que l’on peut souscrire largement à certaines des dénonciations musulmanes de ce qu’elle est devenue, à la dénonciation des « figures du mal » listées ci-dessus. On se retrouve ici piégé par la tenaille idéologique à l’œuvre dans ce troisième millénaire : d’un côté l’islam, un islam de plus en plus dur, et de l’autre le progressisme écolo-consumériste-multiculturel-bobo-mondialiste-polygenré, la fausse alternative qui serait celle des « hyper-soumis » d’un côté et des « hyper-libres » de l’autre.
La conversion des musulmans de France au Christ
Il existe pourtant bel et bien une troisième voie. C’est celle que nous montrent d’autres ex-musulmans, ceux qui se sont convertis au christianisme. A l’image de Joseph Fadelle, musulman d’Irak descendant de Mahomet, devenu chrétien au péril de sa vie et réfugié en France, dont le témoignage a beaucoup circulé, et qui continue plus que jamais de se diffuser (voir son livre Le prix à payer, Pocket, 2010-2012). Ou bien de Mehdi-Emmanuel Djaadi, autre converti, français celui-ci, qui met en scène sa conversion au christianisme dans un spectacle jubilatoire « Coming Out », relatant son odyssée spirituelle. Beaucoup, beaucoup d’autres ex-musulmans devenus chrétiens commencent ainsi à se manifester, à faire entendre leurs témoignages.
Ces témoignages interpellent l’âme française au plus profond : ils lui montrent quel est le sens de son histoire, ce que signifient ses racines chrétiennes, et ce qu’elles peuvent toujours produire aujourd’hui. Non seulement y va-t-il du salut personnel de ces convertis, mais aussi de tous ceux qui les écoutent et s’en trouvent ragaillardis dans leurs parcours spirituels, ou, pour ceux qui se croyaient athées, mis devant l’évidence d’une foi vivante, dépoussiérée, active, exemplaire, motivante et porteuse de nombreux fruits.
Ces apostats, et plus encore ces convertis sont la boule de neige en train de déclencher l’avalanche. Plus ils seront nombreux, plus il sera facile aux musulmans de devenir chrétiens, plus et mieux ceux-ci pourront-ils être accueillis. Les convertis annoncent ainsi la mise en cause générale de l’islam en France qui commence de se produire en sous-main, et l’irruption du grand « souffle dans la maison de l’islam » en train de passer la Méditerranée. Ils disposent des codes de l’islam, ils comprennent leurs ex-coreligionnaires, ils sont les mieux armés pour dialoguer avec eux – et ils le seront d’autant plus qu’ils seront aidés, appuyés et choyés par la société civile, en particulier par les chrétiens. C’est en effet une mission primordiale pour les chrétiens, pour le salut personnel de chacun des musulmans en France, coincés avec les chrétiens dans la tenaille vicieuse des hyper-soumis et des hyper-libres, mais dont les chrétiens sont quasiment les seuls à pouvoir à la fois la comprendre, la dénoncer et la dépasser par la proposition des vraies espérances. C’est d’autre part une mission impérative pour les chrétiens au nom du souci du Bien Commun qui doit les animer, au nom de leur engagement dans la cité. La conversion des musulmans au christianisme est en elle-même un facteur mécanique, tout simplement démographique, d’apaisement des tensions évoquées ci-dessus par l’affaiblissement conjoint des deux mâchoires de la tenaille. Elle est aussi facteur de paix durable par la dénonciation des doctrines politico-religio-spirituelles totalitaires, particulièrement celle de l’islam, en illustrant par l’exemple la fausseté de son suprématisme et en opérant un travail de désarmement des esprits musulmans et de déradicalisation réelle : il n’y aura pas de « paradis sur terre » pour lequel il mériterait de faire violence, les hommes ne sont pas les gardiens d’un ordre légal divin, ils n’ont pas à se substituer à Dieu et à appliquer en son nom ce qu’ils croient être son jugement.
La conversion des musulmans au christianisme porte de plus en elle le vrai universalisme qui a longtemps animé la France, celui qui a forgé son union à partir de toute la diversité de ses peuples anciens. C’est cet universalisme chrétien, en Occident comme en Orient, qui est facteur de vraie convivialité, comme il l’a été dans le passé chrétien de tous leurs pays, comme il doit l’être face aux projets de la société multiculturelle, en réalité multiconflictuelle, qui se révèle comme un désastre total.
C’était déjà l’intuition des mystiques et celle de grands précurseurs apôtres auprès des musulmans. Citons Charles de Foucauld :
« Le musulman regarde l’islam comme sa vraie patrie et les peuples non musulmans comme destinés à être tôt ou tard subjugués par lui musulman ou ses descendants. […] Le christianisme seul, en donnant même éducation, mêmes principes, en cherchant à inspirer mêmes sentiments, arrivera avec le temps à combler en partie l’abîme qui existe actuellement ».
Charles de Foucauld, lettre à René Bazin, 29 juillet 1916
Le Père de Foucauld exprimait déjà combien la conversion des musulmans à la foi chrétienne est non seulement la clé de leur salut, et combien elle est aussi en elle-même, pour elle-même, une œuvre de salut public, une œuvre de salut pour tous. Pour aider la boule de neige à devenir avalanche, il est donc plus urgent que jamais que les chrétiens s’engagent dans la cité, et donc s’engagent dans la mission, comme Mgr Dominique Rey les y incite directement dans son livre L’Islam : menace ou défi ? (Artège Editions, 2019). Ils peuvent par exemple rejoindre ou soutenir les œuvres pionnières que sont les Forums Jésus le Messie (https://www.jesus-messie.org/), forums organisés par des convertis ex-musulmans pour sensibiliser à leur accueil dans l’Eglise, à la mission auprès des musulmans et à la réalité de l’islam, ou bien la Mission Angélus (http://www.missionangelus.org/), qui met en œuvre des groupes de mission de rue, et des formations à la mission auprès des musulmans. Ils peuvent soutenir Mission Ismérie, et, avec elle, s’investir dans l’accueil et l’accompagnement des convertis et la mission.
« Le voici maintenant le moment favorable, le voici maintenant le jour du salut ! »
Saint Paul, 2Co 6,2